L'importance du microbiote dans diverses pathologies digestives (et au-delà) ne fait plus guère de doute. L'équipe du Pr Harry Sokol (Saint-Antoine, Paris), précurseur dans les travaux entre immunié et microbiote a présenté les résultats d’un travail reposant sur le séquençage métagénomique de 764 échantillons fécaux, dont 447 provenaient de patients souffrant de maladie de Crohn, 264 de patients souffrant de rectocolite hémorragique (RCH) et 55 de sujets sains, associé à une analyse métabolomique (étude de l’ensemble des molécules de bas poids moléculaire) ciblée de 294 molécules différentes retrouvées dans le sérum et les selles.

Cette analyse a permis dans un premier temps de constater une altération de la composition et une réduction de la diversité du microbiote chez les patients atteints de MICI. Elle a aussi permis de constater des variations de la composition selon la localisation de la MICI, la prise d’antibiotiques au cours du mois précédent, l’existence d’une poussée ou d’une rémission, le type de MICI et la présence d’une résection iléocæcale.

De manière plus précise, ils ont constaté une augmentation de la proportion de Ruminococcus gnavus, d’Escherichia coli (d’autant plus élevée que la maladie est plus sévère) et de Veillonella parvula dans la maladie de Crohn avec réduction de la proportion de Faecalibacterium prausnitzii, d’autant plus marquée que la maladie est plus sévère. Ils ont également constaté une augmentation de la diversité des souches d’Escherichia coli avec la sévérité de la maladie, et une réduction de diversité des souches de Faecalibacterium prausnitzii.

Ils se sont interessés  de manière plus spécifique à 8 patients avec iléostomie, comparés à des patients avec MICI sans chirurgie, pour constater une moindre diversité du microbiome au niveau iléal avec augmentation de la proportion de Veillonella parvula, de Streptococcus lutetiensis et d’Haemophilus parainfluenzae au niveau iléal par rapport au niveau fécal.
Enfin, ils ont observé de très nombreuses corrélations entre les métabolites et les espèces bactériennes dans les selles. Ces corrélations étaient beaucoup moins marquées dans le sérum.

Au total, cette étude montre que les facteurs qui modifieraient le plus la composition du microbiote sont la localisation de la maladie, le traitement reçu (en particulier les antibiotiques), l’activité de la maladie et les antécédents chirurgicaux (en particulier les résections iléocæcales). Par ailleurs, l’abondance et la diversité de Faecalibacterium prausnitzii est réduite (de manière plus importante dans la maladie de Crohn que dans la RCH) tandis qu’elles sont augmentées pour Escherichia coli (plus marquées dans la maladie de Crohn). Enfin, le microbiote iléal est différent du microbiote fécal tandis que les corrélations entre métabolites et taxonomie bactérienne restent encore à analyser.

Ref : Bredon M, et coll. Metagenomic and metabolomic profiles in IBD: understanding microbial and metabolic shifts from a large deeply phenotyped cohort. Abstract#DOP26. ECCO 2024, Stockholm, 21-24 février2024.