Les anomalies biologiques prédisposant aux thromboses ou anomalies de thombophilie sont retrouvées chez approximativement 50 à 60 % des patients ayant présenté une maladie thrombo-embolique veineuse récidivante (MTER). La recherche de ces anomalies est donc effectuée à grande échelle même si leur découverte jusqu'à présent n'influe pas sur les modalités du traitement curatif de la MTER .La présence d'une telle anomalie est cependant utile à connaître dans le but d'instituer des mesures préventives dans les situations à risque de thrombose chez le propositus et les membres de sa famille atteints. La MTER a une origine en fait multifactorielle faisant intervenir tout à la fois des facteurs génétiques et environnementaux. Il apparaît logique de penser que les facteurs génétiques ont un rôle plus important à un âge jeune tandis que les facteurs environnementaux (tels les affections malignes, les syndromes inflammatoires, l’immobilisation) seraient davantage mis en jeu à un âge plus avancé. Pour tester cette hypothèse, les auteurs de cet article ont analysé les résultats fournis par le registre MAISTHRO.
Ce registre a inclus tous les patients de façon séquentielle vus en consultation externe dans le département de Médecine Interne de Francfort sur le Main pour une MTER authentifiée par les examens complémentaires appropriés et ayant tous un bilan de thrombophilie (recherche de l'anomalie V Leiden et de la mutation G20210A sur le gène du Facteur II; recherche d'anticorps anticardiolipide; dosage des inhibiteurs de la coagulation de type protéine C, protéine S et antithrombine).
Ont été inclus 1 490 patients dont 627 (42 %) hommes et 863 (58 %) femmes d'un âge médian de 43 ans lors de la manifestation initiale. L’étude de la prévalence des anticorps anticardiolipide n'a pu être entreprise étant donné un pourcentage très faible dans cette population. S’agissant des anomalies de thrombophilie constitutionnelles, de façon intéressante, elles sont retrouvées chez 50,1 % des patients et de façon claire leur prévalence diminue graduellement au cours de l'âge. Ainsi chez les patients de moins de 20 ans, la prévalence de ces anomalies est de 49,3 % tandis qu'elle est de 21,9 % après 70 ans (p<0,001).Lorsqu'on compare la prévalence des anomalies de type V Leiden, des déficits en protéine C ou protéine S, elle est respectivement de 31,7 %,de 4,2 % et de 4,3 % chez les patients de moins de 40ans et de 19,9 %, de 1,1 % et de 1,7 % chez les patients de plus de 40 ans (p respectivement < à 0,001,à 0,001 et 0,009). Il n'est pas retrouvé de différence dans la prévalence de la mutation G20210A sur le gène du F.II selon l'âge. Enfin un pic de fréquence de 7,2 % est observé avant 20 ans pour le déficit en antithrombine.
Globalement, la probabilité de trouver une anomalie de thrombophilie était ici 1,92 fois plus élevée avant 40 ans par rapport aux patients de plus de 40ans. Chez les patients de moins de 40 ans, on constate plus souvent des anomalies sévères comme les anomalies de type V Leiden ou la mutation G20210A à l'état homozygote, ou bien la présence concomitante de ces deux anomalies à l'état hétérozygote ou bien encore les déficits en inhibiteurs de la coagulation. En outre, la prévalence des anomalies de thrombophilie est plus élevée en l’absence de facteur déclenchant chez les patients de moins de 40 ans par rapport aux patients de plus de 40 ans.
Au total, la recherche d'une thrombophilie s'impose d'autant plus que les patients sont plus jeunes et que la MTER survient sans facteur déclenchant mais cette étude montre aussi que la prévalence de ces anomalies est loin d'être négligeable même à un âge avancé. Enfin, leur rôle comme facteurs favorisant les rechutes est encore inconnu et demande à être analysé dans les études futures.
Weingarz L et coll. : Prevalence of thrombophilia according to age at the first manifestation of venous thromboembolism: results from the MAISTHRO registry.Brit J Haematol., 2013; 163 : 655-665