Entre 1990 et 2018, le taux d’incidence des cancers du pancréas a augmenté en France selon un rythme moyen de 2,7 % par an chez les hommes et de manière encore plus importante de 3,8 % chez les femmes. Son pronostic demeure très sombre, avec une survie nette sur cinq ans inférieure à 10 %. Les facteurs de risque classiques (diabète, tabac, obésité, alcool) sont connus. De même, les facteurs de risque familiaux multiplient par 9 le risque de développer un cancer du pancréatique bien que l'on estime que 90 % des gènes de prédisposition impliqués dans le développement de cancers du pancréas restent encore à identifier. 
Dans ce contexte, toute nouvelle approche diagnostique précoce d’un cancer pancréatique de novo est la bienvenue. Une équipe états-unienne a voulu développer et valider un modèle permettant de prédire le risque de cancer du pancréas.
A cette fin, ils ont utilisé les moyens actuels de l'intelligence artificielle du célèbre Massachusetts Institute of Technology (réseau neuronal (PrismNN) et une régression logistique (PrismLR). Ils les ontfait travailler sur des données cliniques à grande échelle en utilisant les données de dossiers de santé électronique provenant d'un réseau multi-institutionnel regroupant 55 hôpitaux sur 13 années (35 387 cas d’ACDP, 1 500 081 contrôles et 87 caractéristiques par patient.
Il s'agissait de permettre une prédiction précoce, à partir de l’âge de 40 ans, 6 à 18 mois avant le diagnostic d’adénocarcinome ductulaire pancréatique (ACDP).
Les patients ayant des antécédents familiaux ou une prédisposition génétique à l’ACDP ne représentent qu’environ 2 à 10 % de tous les cas dans la littérature. L’identification de gènes incriminés dans le cancer du pancréas est attendue dans l'avenir grâce au développement des méthodes de séquençage à haut débit. Dans l’attente, on sait surveiller par IRM et écho-endoscopie les patients à haut risque porteurs de lésions précancéreuses (TIPMP, adénome mucineux et PanIN). Cependant, chez les sujets tout venant, le dépistage d’un petit néoplasme (inférieur à 1 cm) de novo possiblement curable ne repose sur aucun examen biologique.

Cette méthode novatrice a repéré 3,5 fois plus de malades que les critères actuels utilisés pour identifier les patients pour les programmes de dépistage de l’ACDP à des niveaux de risque similaires, 6 à 18 mois avant son apparition. Il s’agit néanmoins d’un travail rétrospectif (développement et validation) avec une sous-représentation de certains groupes ethniques, de sujets de milieu socio-économique défavorisé et surtout une hétérogénéité de la biologie (du ionogramme à la glycémie, de l’ACE au CA19-9) et incluant des données disparates, avec des antécédents personnels de cancer sans donnée génétique, ni connaissance du poids respectif de chaque item dans la prédiction finale positive.

La validation sur une cohorte prospective est indispensable car la sensibilité de cette approche informatique basée sur le deep learning, autour de 35,9 %, demeure insuffisante pour envisager un déploiement individuel sans biomarqueur génétique approprié. Ceci rend pour l’instant impossible une application pratique de dépistage individuel en dehors d’institutions affiliées à un réseau utilisant cette technologie dont la lisibilité reste opaque sans connaissance du nombre de couches successives utilisées dans ce modèle informatique.

En conclusion, ce modèle de deep learning a fourni une base spécifique mais peu sensible destinée à détecter des individus à haut risque d’adénocarcinome canalaire pancréatique. Le caractère éminemment hétérogène des 87 données entrées dans le modèle informatique explique le phénomène bien connu de boite noire. L'intelligence artificielle doit encore progresser pour traduire les avancées algorithmiques en percées biomédicales robustes.

RÉF : Jia K, Kundrot S, Palchuk MB et al. A pancreatic cancer risk prediction model (Prism) developed and validated on large-scale US clinical data.
eBioMedicine Published Online nov 2023. https://doi.org/10.
1016/j.ebiom.2023.104888