La connaissance de la pathophysiologie du psoriasis, dermatose inflammatoire chronique caractérisée par une prolifération anormale de kératinocytes, a beaucoup progressé au cours des dernières décennies avec la mise en évidence, en particulier, de l’implication de cytokines, telles que le TNF alpha, les IL 23/IL 17 ce qui a conduit à l’élaboration de biothérapies ciblées. Cependant des zones d’ombre demeurent. 

Ainsi, par exemple, cela fait près de 50 ans qu’a été pour la première fois signalée une élévation de la concentration en fer dans l’épiderme des patients psoriasiques sans que la raison en soit élucidée, sinon que le fer est essentiel à la prolifération des cellules. Cependant, une équipe française a récemment découvert que l’hepcidine peut être produite par les kératinocytes.

Or l’hepcidine, hormone peptidique provenant essentiellement du foie, est responsable du maintien de l’homéostasie du fer dans l’organisme. Il était donc temps d’explorer l’expression et le rôle de l’hepcidine (et du fer) dans la pathogénèse du psoriasis. 

En premier lieu, avec diverses approches (modèles murins, modèles de peau humaine, biopsies de peau etc.) il a été montré que l’expression de l’hepcidine dans les lésions provenant de patients atteints de psoriasis est augmentée par rapport aux contrôles sains, d'autant plus dans les formes graves (psoriasis pustuleux). 

Parallèlement est constatée une augmentation de l’expression de l’hepcidine et des concentrations de fer dans les modèles d’inflammation aiguë. L’hepcidine dérivée des kératinocytes est nécessaire à la rétention du fer dans les kératinocytes. De plus, elle contribue au recrutement des neutrophiles, en favorisant la production de la chémokine CXCL1 dans les modèles murins d’inflammation aiguë.
L’augmentation marquée de l’expression de l’hepcidine dans le psoriasis pustuleux, dont une forme est liée à un déficit de l'antagoniste du récepteur de l'interleukine 36 (DITRA) suggère que l’IL36 pourrait jouer un rôle clé comme facteur déclenchant de la production d’hepcidine. 
Au total, l’ensemble des observations indique que l’hepcidine dérivée des kératinocytes pourrait entraîner une inflammation « psoriasiforme » au niveau de la peau via la prolifération liée au fer des couches épidermiques et au recrutement des neutrophiles. Ces résultats demandent à être approfondis mais l’on peut déjà imaginer la mise au point de médicaments capables de bloquer la production d’hepcidine et donc de fer dans la peau des patients dans l’espoir d’empêcher les poussées de la maladie. 

Ref : Abboud E, Chrayteh D, Boussetta N, et al. Skin hepcidin initiates psoriasiform skin inflammation via Fe-driven hyperproliferation and neutrophil recruitment. Nat Commun. 2024 Aug 7;15(1):6718. doi: 10.1038/s41467-024-50993-8.