Alors que le risque de cancer colorectal dépend de nombreux paramètres, l’idée d’un dépistage davantage ciblé et personnalisé fait son chemin. Mais cette approche se heurte à plusieurs écueils.
En France, le dépistage du cancer colorectal est ajusté en fonction du risque individuel de cancer, mais de façon assez « simpliste », la stratégie adoptée étant fonction essentiellement des antécédents personnels ou familiaux. En pratique, la majorité de la population, sans antécédents et donc à risque moyen, est invitée à débuter dès l’âge de 50 ans un suivi par test immunologique fécal (FIT) biennal, tandis que les personnes considérées comme étant « à haut risque » en raison d’antécédents sont orientées vers la coloscopie.
Pour certains épidemiologistes, en particulier en Allemagne, il faut affiner davantage le niveau de risque pour mieux dépister. Ils défendent la notion de dépistage du cancer colorectal (CCR) sur-mesure afin que le dépistage concentre les ressources sur les personnes qui en tireraient le plus de bénéfices. Ainsi le niveau de risque devrait tenir compte d’autres facteurs : sexe, ethnicité, alcool, tabac, obésité, diabète, sédentarité, etc.
Néanmoins, les nombreux modèles de prédiction du risque sont loin d’être parfaits. De ce fait, il faut se garder de déconseiller le dépistage chez les personnes considérées comme à faible risque ». Par exemple, 60 % des femmes présentant un cancer colorectal auraient reçu l’avis de ne pas faire de dépistage cinq ans avant si elles avaient utilisé le calculateur « QCancer » décrit dans BMJ.
Pour des gastro-entérologues et oncologues français, déçus par la faible participation au dépistage,l’ajustement à la française, avec ces deux niveaux de risque, pourrait expliquer ces résultats et l’effet moins important du dépistage sur la baisse de l’incidence du cancer en France par rapport à l’Allemagne et aux États-Unis où le type de dépistage n’est pas fonction du niveau de risque. Par ailleurs, concernant les antécédents familiaux à prendre en compte pour un dépistage sur-mesure, les informations histologiques sont la plupart du temps difficiles voire impossibles à obtenir de la part des patients.
L’âge de début est également sujet à réflexion. L’élément nouveau est l’augmentation importante de l’incidence du CCR chez les moins de 50 ans : + 1,6 %/an entre 40 et49 ans et + 8 % entre 20 et 29 ans. L'American Cancer Society prône désormais le dépistage du cancer colorectal dès 45 ans. Une étude de cohorte coréenne (H.-S. Kim et al) focalisée sur le dépistage par coloscopie a évalué l'effet préventif de la coloscopie chez les 40-49 ans, avec un risque de cancer colorectal réduit de 37 % chez les sujets en fin de quarantaine et de 32 % en début de quarantaine. urgence La question de proposer en France le dépistage aux personnes entre 45 et 49 ans se pose donc actuellement.
Enfin et dès à présent, le résultat quantitatif du FIT -un élément objectif et précis du risque- pourrait être exploité. Il est en effet admis que les niveaux les plus élevés au-dessus du seuil de référence pour une coloscopie devraient conduire à proposer une coloscopie en priorité. Mais des niveaux élevés légèrement en dessous du seuil de référence devraient aussi retenir l’attention. Cette piste est explorée par exemple par les essais BIOFIT (Italie) et PERFECT-FIT (Pays-Bas) qui cherchent à déterminer l'intervalle optimal entre deux dépistages par FIT en fonction des niveaux cumulés d'hémoglobine des tests FIT précédents.
Ref : D’après la session « CRC: It's all about screening » UEWG 2024 Quotidien du médecin 14/11/2024