Comme les autres infections urinaires, les pyélonéphrites sont à la fois plus graves et plus fréquentes chez les diabétiques que chez les non diabétiques, avec un rapport de risque multiplié par cinq .
La glycosurie ainsi que l’hypocontractilité vésicale (découlant de la neuropathie autonome) et la diminution de l’immunité (en particulier l’altération des polynucléaires neutrophiles), semblent jouer un rôle dans la susceptibilité accrue aux infections urinaires des patients diabétiques.
Il faut penser à évoquer ce diagnostic devant un déséquilibre du diabète s’accompagnant de fièvre, même en l’absence de douleurs lombaires et de signes urinaires.
Ces infections se développent le plus souvent à la suite d’une infection ascendante des voies urinaires et sont plus courantes chez les diabétiques femmes que chez les diabétiques hommes. Cependant, comme chez les non diabétiques, il n’est pas recommandé de traiter systématiquement par antibiotiques les bactériuries asymptomatiques, dont la fréquence est particulièrement élevée chez les femmes diabétiques (fréquence estimée, selon les études, entre 8 à 26 %) . La relation de causalité entre bactériurie asymptomatique et infection urinaire n’est d’ailleurs pas formellement démontrée chez ces patientes.
Les urines de ces patients à risque doivent être régulièrement surveillées. S'il n'est pas recommandé de traiter systématiquement les bactériuries asymptomatiques, il est cependant conseillé de pratiquer en revanche, chez ces malades fragiles, un test urinaire avec des bandelettes une ou deux fois par an et de prescrire, en cas de cystite aiguë, pendant 7 à 14 jours une antibiothérapie orale diffusant bien à la fois dans les urines et dans les tissus urinaires à la place du traitement court que l’on propose aujourd’hui volontiers aux femmes non diabétiques.
[1]En cas de cystite aiguë chez une femme diabétique, l’efficacité du traitement doit aussi être systématiquement vérifiée par un ECBU et il pourra être proposé une antibioprophylaxie durant 3 à 6 mois en cas d’infections urinaires récidivantes. On doit aussi rappeler à ces patients ,encore plus qu’aux autres sujets, la nécessité de boire suffisamment et d’avoir des mictions fréquentes et complètes. Enfin, l’asepsie sera bien sûr de rigueur lorsqu’on réalise un geste sur les voies urinaires, et ce, afin de prévenir tout risque d’infection nosocomiale.
Les agents pathogènes mis en évidence dans les pyélonéphrites des diabétiques sont principalement d’origine digestive et identiques à ceux trouvés chez les sujets non diabétiques (Escherichia coli, klebsielles, streptocoque B…).Il n'y a pas de particularités bactériologiques et le traitement antibiotique est d’ailleurs le même que chez les non diabétiques. Mais ces patients présentent des complications dans un cas sur dix, les principales étant constituées par des septicémies, des abcès, la survenue d’une pyélonéphrite emphysémateuse ou l’apparition d’une nécrose papillaire. Ces complications devront donc être recherchées systématiquement, lorsque les signes cliniques durent plus de 48 heures après un traitement antibiotique bien conduit.
Ainsi, la possibilité d’abcès dont la présence peut être visualisée sur le scanner abdominal, est à évoquer devant une pyélonéphrite qui ne guérit pas rapidement.
La pyélonéphrite emphysémateuse, dont le diagnostic est souvent évoqué trop tardivement devant une pyélonéphrite qui traîne, se voit en général chez la femme diabétique et apparaît le plus souvent en amont d’une obstruction sous-jacente. Cette forme particulière de pyélonéphrite s’accompagne de la présence de gaz à l’intérieur du parenchyme rénal du fait de la fermentation du glucose en dioxyde de carbone sous l’action des bactéries, ce qui peut induire dans quelques cas une crépitation du flanc à la palpation, alors évocatrice. Plus souvent, le diagnostic est fait sur la radiographie de l’abdomen sans préparation et, encore plus souvent, sur le scanner. Cette forme de pyélonéphrite, qui est malgré tout assez rare, s’accompagne d’un taux de mortalité de 7 à 22 % selon P.J. Guillausseau et coll., en dépit des traitements proposés lesquels peuvent associer à l’antibiothérapie parentérale, un drainage percutané ou une néphrectomie.
Chez le diabétique, une pyélonéphrite représente aussi un facteur favorisant à la survenue d’une nécrose papillaire, dont le diabète représente la première étiologie. Le risque est alors que la papille obstrue les voies urinaires en migrant. Cette complication semble diminuer de 5 à 10 ans l’espérance de vie des patients diabétiques et accélérer chez eux le recours à la dialyse rénale [2].
D'après un article du Dr Philippe MASSOL (Panorama du Médecin du14/08/2006 )