Le syndrome de fatigue chronique (SFC), encore appelé encéphalomyélite myalgique (EM), reste une maladie mal comprise, difficile à diagnostiquer et sans traitement homologué.

Certaines personnes souffrant du syndrome de fatigue chronique ont une dysbiose intestinale et des perturbations des voies métaboliques bactériennes qui pourraient influencer la gravité de leur maladie, selon une étude cas-témoin. De nouvelles pistes pour améliorer le diagnostic et développer des traitements sont à l’étude.

« Notre étude suggère que l'analyse du microbiome fécal pourrait nous permettre de sous-grouper les patients atteints de SFC/EM. Ce sous-typage pourrait offrir des indices pour mieux comprendre les différentes façons dont la maladie se manifeste », précise Brent Williams, chercheur au Centre d'Infection et Immunité à l'Université Columbia de New York. « A l'instar du syndrome de l'intestin irritable (SII), le SFC/EM pourrait inclure une défaillance dans la communication bidirectionnelle entre cerveau et intestin qui s'établit grâce aux bactéries, à leurs métabolites, et aux molécules de l'hôte qu'elles influencent. En identifiant les bactéries spécifiquement impliquées, nous faisons un pas en avant vers un diagnostic plus précis et des thérapies ciblées », estime le Dr Ian Lipkin qui a dirigé l'étude publiée dans la revue « Microbiome ».

Entre 1 et 2,5 millions de personnes souffrent du syndrome de fatigue chronique aux États-Unis, une maladie invalidante qui n'est donc pas si rare. Le diagnostic est uniquement clinique, reposant sur plusieurs symptômes : une fatigue profonde depuis 6 mois ; des malaises après l'exercice avec un sommeil non récupérateur ; enfin, un déficit cognitif ou une hypotension orthostatique. Pour certains patients, la maladie est précédée d'une fièvre, avec maux de gorge et ganglions lymphatiques. Et 35 a 90 % des patients se plaignent en outre d'un syndrome de l'intestin irritable.
Si les causes restent inconnues, cette maladie associée à une inflammation systémique est probablement d'origine multifactorielle. Certaines études mettent en avant l'hypothèse d'une cause infectieuse, bactérienne ou virale.

Le Dr Ian Lipkin et son équipe ont étudié 50 patients souffrant du SFC (dont 29 sans SII) et 50 témoins sans maladie. Ils ont séquencé le microbiote fécal, prédit les voies métabolites bactériennes, dosé le profil sanguin des marqueurs immunitaires, et ils ont réalisé une analyse topologique des données.

Les résultats montrent que, quelle que soit la présence ou non syndrome de l'intestin irritable (SII), le SFC est associé à une dysbiose. Certaines espèces bactériennes sont diminuées (Faecalibacterium, Roseburia, Dorea, Coprococcus) et d'autres augmentées (Clostridium, Coprobacillus) dans le SFC, et leur abondance relative pourrait prédire le diagnostic. Une augmentation des Alistipes inclassés et une diminution des Faecalibacterium représentent les principaux biomarqueurs du SFC avec SII, tandis que les biomarqueurs clé du SFC sans SII sont constitués par une augmentation des Bacteroides inclassés et une diminution des Bacteroides vulgatus.

Le SFC s'accompagne d'une diminution des voies métaboliques associées à la biosynthèse des acides gras et d'une augmentation des voies de dégradation de l'atrazine (un composant des pesticides). Les voies de vitamine B6 sont également augmentées. Certaines espèces bactériennes et leurs voies métaboliques associées sont corrélées au degré de gravité du SFC (vitalité, fatigue mentale, douleur).
En revanche, aucune différence des marqueurs inflammatoires n'est constatée entre les patients et les témoins, contrairement à de précédentes études, ce qui tient probablement au fait que les patients étaient malades depuis longtemps dans l'étude actuelle. « Ces nouvelles observations pourraient mener à un diagnostic plus précis et offrir des pistes pour développer des stratégies thérapeutiques spécifiques dans les sous-groupes de SFC/ME », notent les chercheurs.

Ref : Microbiome, 27 avril 2017, Nagyl-Szakal et coll.