La question des implications cliniques sur la réponse au traitement du développement d'anticorps dirigés contre les médicaments biologiques en rhumatologie - souvent appelés aussi biomédicaments ou médicaments antirhumatismaux modificateurs de la maladie (bDMARD) - reste posée. À ce jour, des conséquences négatives ont été clairement démontrées seulement pour l'adalimumab. Qu'en est-il des autres biothérapies utilisées dans la polyarthrite rhumatoïde (PR)?

L'étude prospective qui permet de répondre à cette question a été menée sur 230 patients atteints de polyarthrite rhumatoïde (177 femmes de 54 ans d'âge moyen), dans 27 centres de 4 pays (France, Italie, Pays-Bas, Royaume-Uni). Étaient inclus des patients recevant, au choix du médecin, un nouveau traitement de fond biologique parmi les anticorps monoclonaux anti-TNF (adalimumab ou infliximab), l'anti-TNF étanercept, l'anticorps monoclonal anti-IL-6 tocilizumab et l'anticorps monoclonal anti-CD20 rituximab. La réponse au traitement a été appréciée selon les critères EULAR mesurés à 12 mois et cette donnée a été mise en relation avec le développement d'anticorps dirigés contre les biomédicaments utilisés, détecté par des techniques de dosages performantes (électrochimiluminescence) et répétées (mois 1, 3, 6, 12 et 15 à 18). 
Des anticorps anti-biomédicaments ont été détectés à 12 mois chez 38,2 % des patients sous anticorps monoclonaux anti-TNF, 6,1 % des patients sous étanercept, 20,0 % des patients sous tocilizumab et 50 % des patients sous rituximab. Les auteurs ont noté une association inverse entre la positivité des anticorps anti-médicaments dirigés contre tous les médicaments biologiques et la réponse EULAR au douzième mois (50 % contre 83,3 %, probabilité réduite de 81 %). En présence d'anticorps persistants, la probabilité de réponse au traitement s'abaissait à 46,1 %. La plus grande différence entre les taux de réponse des patients positifs vs négatifs pour des anticorps anti-biomédicaments était observée chez les patients traités par anticorps monoclonaux anti-TNF (34 % contre 83 %), soit une probabilité de réponse réduite de 89 % en présence d'anticorps anti-biomédicaments. 

Pour les autres bDMARDs, la probabilité de réponse à 12 mois était également significativement réduite en présence d'anticorps anti-biomédicaments mais de façon moins importante (20% de réponses en moins en moyenne.

A noter que la positivité aux anticorps anti-biomédicaments était inversement associée à la prescription de méthotrexate en début de traitement : la présence de ce dernier diminuait de 50 % la probabilité de développer des anticorps, pour l'ensemble des bDMARDs, et réduisait cette probabilité de 77 % pour les anti-TNF. 
Pour les auteurs, la surveillance des anticorps anti-biomédicaments pourrait être envisagée dans le cadre de la prise en charge personnalisée des patients atteints de polyarthrite rhumatoïde, en particulier les non-répondeurs. 

RÉF : Bitoun S, Hässler S, Ternant D, et al ; ABIRISK Consortium. Response to Biologic Drugs in Patients With Rheumatoid Arthritis and Antidrug Antibodies. JAMA Netw Open. 2023 Jul 3;6(7):e2323098. doi: 10.1001/jamanetworkopen.
Cet article a d'abord été publié sur MediQuality le 07/11/2023