Alors que le PFLSS 2024 prévoyait la mise en place d'un dépistage généralisé du CMV en cas d'avis favorable de la HAS, l'avis défavorable du HCSP (Haut Conseil de Santé Publique) a jeté un froid. Il s'appuie sur les affirmations suivantes : L'infection à CMV n'est pas un problème de santé publique; la prévention par les mesures d'hygiènes des femmes enceintes doit être privilégiée, le dépistage systématique génère un nombre élevé de faux positifs; il n'a pas été identifié de traitement efficace et sûr; les primo-infections ne seraient pas détectées à temps pour la mise en oeuvre du traitement; l'acceptabilité par les femmes enceintes est incertaine, comme sa soutenabilité financière.
Ces arguments sont battus en brèche par de nombreux spécialistes, en particulier le Pr Yves Ville de l'hôpital Nécker-Enfants Malades (AP-HP) :
- Concernant l'importance du problème de santé publique : 4 enfants sur 1000 naissances sont concernés et si les infections tardives sont le plus souvent asymptomatiques, un tiers des infections du premier trimestre a des conséquences significatives avec des séquelles essentiellement neurologiques et auditives. Compte tenu des modalités de transmission, les femmes qui ont un enfant de moins de 3 ans en garde partagée ou en crèche ont un risque d'infection de 10% en début de grossesse. La prévalence est plus importante que celle des autres infections materno-foetales systématiquement dépistées (syphilis concernant des populations à risque, toxoplasmose et rubéole en diminution).
- Concernant l'importance des mesures préventives : Eviter tout contact avec les liquides biologiques des jeunes enfants est une gageure pour des jeunes mères, plus encore en cas de difficultés sociales ou de logement. Globalement la prévention primaire est en échec puique la prévalence de cette infection ne baisse pas malgré les campagnes d'information qui ont pu être menées.
- Concernant le manque de spécificité du dépistage et le risque de diagnostic trop tardif  : Les sérologies actuelles permettent un diagnostic fiable de l'infection maternelle. Un dépistage réalisé à la 12ème semaine en même temps que les autres sérologies systématiques permettrait de détecter les infections récentes, à risque pour le foetus (IgM positifs et avidité des IgG faible). Le diagnostic foetal est confirmé par amniocentèse vers la 17ème semaine, après la mise en route éventuelle du traitement anti-viral. Il n'y a a pas forcément concordance entre les 2 tests (sérologie de la mère et PCR du liquide amniotique) sans erreur diagnostique puisqu'il peut y avoir des positifs du fait des passages transplacentaires plus tardifs du virus (persistance des herpesviridae, mais habituellement sans conséquence clinique) et bien sûr des négatifs en cas de non passage transplacentaire, de traitement efficace ou de clairance virale spontanée.
- Concernant l'efficacité du traitement et son acceptabilité : Des études récentes montrent que le recours au Valaciclovir est efficace dans 70 à 80% des cas sans risque tératogène significatif aux doses utilisées. En cas d'amniocentèse négative, le traitement est interrompu.
Il faut espérer que la HAS retiendra ces arguments qui semblent irréfutables afin de prendre en charge ce risque qui semble largement sous-estimé par le HCSP.

Ref : Le Quotidien du médecin Hebdo; 16/02/2023