Autotest de l'allergie, du cholestérol total, de l'anémie par carence en fer, de la maladie de Lyme, de l'Helicobacter pylori, du VIH…En quelques années, le nombre d'autotests disponibles en pharmacie a explosé. Après les tests de grossesse, d'ovulation et de consommation de stupéfiant ou d'alcool, les trois principaux fabricants et distributeurs en France, (Mylan, Alere et Medisur), se sont attaqués à l'orientation diagnostique de diverses pathologies et proposent désormais des dispositifs de mesure pour 13 variables biologiques, du taux d'IgE aux anticorps anti-toxine tétanique.

    Cette multiplication de l'offre inquiète : dans son rapport sur le sujet publié le 12 février dernier, l'Académie de pharmacie constate un développement « sans réel contrôle » de ces tests. Dans un autre texte publié également en février, les principaux syndicats de biologistes dénoncent « un contexte de flou juridique » et une « absence de d'études scientifiques satisfaisantes ».

    Pour des acteurs de la santé publique, au-delà de la question de la fiabilité, la présence de certains de ces autotests en pharmacie entre en collision avec les modalités de dépistage déjà disponibles. C'est notamment le cas du dépistage des cancers colorectal et de la prostate : les autotests de dosage du PSA et de détection du sang dans les selles interrogent l'INCa, réprouvant le fait que de tels tests soient proposés en dehors de toute recommandation et sans contrôle.

    Alors que le programme de dépistage du cancer colorectal, basé sur la remise de kits de dépistage remis par le médecin traitant aux patients de plus de 50 ans, monte encore en charge, l’ambiguïté introduite par ces autotests, disponibles en pharmacie, pose question aussi bien du fait de la fiabilité douteuse de ces tests que du risque de détourner les patients du dépistage organisé en brouillant le message du dépistage. Ils pourraient générer de véritables pertes de chance par exemple en rassurant à tort (pas de notion de répétition tous les 2 ans, de recours à la coloscopie en cas d’antécédents…)

    Pour les tests concernant la prostate, le seuil retenu est de 4 ng/mL de PSA et ne tient pas compte de la forte variabilité individuelle à apprécier en fonction d'un contexte clinique.

    Pour d'autres autotests, c'est la pertinence de la variable biologique mesurée qui est questionnable. Ainsi l'Académie de médecine rappelle que la mesure de l'élévation sanguine des IgE ne présente pas d'intérêt médical avéré dans le cadre d'un dépistage d'une allergie. Autre exemple : les autotests de détection des infections gastriques par Helicobacter pylori déconnecté du contexte clinique et thérapeutique.

    Comparés aux tests de laboratoire (Elisa de 4génération), les autotests VIH sont peu sensibles en période d’infection récente, ce qui n'empêche pas la HAS de le considérer comme des outils complémentaires au dispositif de dépistage actuel.Néanmoins la communication autour de cette zone de non-détection est limitée et risque de rassurer à tort des sujets récemment infectés et de faciliter des conduites à risque.

    Tous les autotests ne sont pas logés à la même enseigne. L'Académie de pharmacie estime que les les tests de détection de l'infection urinaire et de détection des anticorps antitétaniques (pour vérifier son statut vaccinal) présentent un intérêt.

    Ces auto-tests doivent être différenciés des tests rapides d'orientations diagnostiques (TROD), également traités dans le rapport de l'Académie de pharmacie. Ils sont jugés utiles car leur usage est mieux défini par la loi et utilisés par des professionnels de santé à même d’interpréter les résultats en connaissant leurs indications et leurs limites.

Ref Quotidien du médecin 19/02/2018 d’après le rapport de l'Académie de pharmacie