La question est longtemps restée controversée jusqu’à ce qu’ un groupe de rhumatologues européens se penche sur les données de la littérature pour définir les facteurs prédictifs de PR à mesurer chez un patient présentant un rhumatisme inflammatoire débutant.
La nécessité d’un diagnostic précoce de la polyarthrite rhumatoïde (PR), afin d’instaurer le plus rapidement possible un traitement de fond pour ralentir la progression de la maladie est aujourd’hui unanimement reconnu. Mais, si le diagnostic est crucial, le pronostic l’est aussi, pour la bonne raison que le traitement précoce doit être adapté au pronostic évolutif de la maladie : ainsi, ne pas traiter peut réduire les chances de stopper l’évolution de la PR et à l’inverse traiter « trop fort », peut être néfaste en terme de bénéfice/risque du traitement. D’où la nécessité de bien évaluer le pronostic de la maladie.
Dernièrement, un groupe de 14 rhumatologues européens, ayant élaboré une série de recommandations sur la prise en charge des arthrites débutantes, s’est penché sur le sujet. Après analyse des données de la littérature, les experts ont alors conclu que « les facteurs prédictifs de PR à mesurer chez un patient avec une arthrite débutante sont : le nombre d’articulations gonflées et douloureuses, la vitesse de sédimentation (VS) ou la CRP, le facteur rhumatoïde, les antipeptides cycliques citrullinés (anti CCP), et les érosions radiographiques .
Radiographie : le mauvais pronostic des lésions érosives
La présence d’emblée d’érosions articulaires typiques de la PR représente le plus mauvais élément de pronostic. Les lésions érosives sur les radiographies de face des mains et des poignets sont toutefois rares quelques semaines après le début des symptômes : ces lésions se forment le plus généralement les deux premières années d’évolution de la maladie. On les repère donc peu souvent à la radiographie dans les premières semaines de la PR, mais à 6 mois, elles sont présentes chez environ un tiers des malades. La présence de lésions érosives au début de la maladie est le meilleur facteur prédictif de PR.
Un nouveau marqueur biologique
Au cours de la PR, la biologie usuelle reste non spécifique : le syndrome inflammatoire est variable et banal : élévation de la VS supérieure à 20 mm à la première heure, augmentation inconstante de la CRP. Longtemps, le diagnostic de PR a reposé en fait sur la détection du facteur rhumatoïde sérique. Cependant cette séropositivité apparaît de façon non constante puisque selon la technique utilisée, 20 à 30% des PR resteront négatives. Par ailleurs dans les PR débutantes, sa spécificité est médiocre. D’autres auto-anticorps ont donc été recherchés, permettant un diagnostic plus précoce. Les chercheurs ont alors découvert les anticorps anti-CCP dirigés contre des motifs antigéniques riches en citrulline, présents au sein de plusieurs protéines du milieu synovial. La séropositivité n’est pas constante mais leur spécificité est bonne (supérieure à 95%), la présence d’anti-CCP étant très rare dans les rhumatismes inflammatoires non apparentées à une PR. Or ces auto-anticorps, outre leur intérêt dans le diagnostic, constitue aussi un facteur pronostique : ainsi, la présence dans le bilan initial d’une polyarthrite indifférenciée prédit l’évolution quasi certaine vers une PR, avec une destruction articulaire à court terme. Son absence est donc plutôt un critère de bon pronostic.
Des recommandations de l’HAS en préparation
De nombreuses données ont été publiées sur les éléments de pronostic de PR. Aussi divers que variés, citons : un terrain génétique prédisposant (présence des gènes HLA DR4), un contexte socio-économique défavorisé, un début aigu poly-articulaire, des manifestations extra-articulaires, des taux de protéine C réactive (CRP) et de facteur rhumatoïde (FR) élevés, une précocité des lésions érosives radiographiques, ou encore la présence d’anticorps anti-CCP. Soit un foisonnement d’informations….
Ce n’est qu’après analyse de la littérature, que les 14 experts européens ont pu faire leur choix et retenir les critères qui leur semblaient les plus prédictifs de PR. Conscients des difficultés que rencontrent les médecins dans la prise en charge des arthrites débutantes, les 14 rhumatologues ont tout fait pour que leur travail ne reste pas dans les oubliettes ! Des recommandations de prise en charge des rhumatismes inflammatoires devraient être publiées prochainement par la Haute Autorité de Santé..
Source : Le Panorama du Médecin 2007 Dr. Philippe Massol
Combe B. et coll. Annals of rheum disease 2006. Sous presse. En ligne. Recommandations sur le site association française de rhumatologie
Mickaël Roussière « Ce qui a changé dans la prise en charge de la polyarthrite rhumatoïde », Le Concours Médical, 2005, tome 127-01