Environ 15% des couples sont affectés par des problèmes de fertilité (incapacité à concevoir après 12 mois de relations sexuelles non protégées). Dans un tiers des cas la cause est purement masculine et mixte dans un autre tiers. Si le nombre de sujets atteints est très important, les causes identifiées et génétiquement caractérisées sont très minoritaires. Les seules anomalies génétiques dont il est clairement établi qu’elles altèrent la spermatogénèse sont les microdélétions du chromosome Y. La découverte récente d’anomalies caractéristiques du spermocytogramme chez 14 patients a conduit une équipe grenobloise a réaliser une étude génétique. Ces hommes présentaient une tératospermie particulière caractérisée par la forte proportion de spermatozoïdes macrocéphales, multiflagelles et après étude chromosomique, polyploïdes. En outre, tous ces sujets étaient d’origine nord-africaine, dont 4 nés chacun de parents consanguins, ce qui évoque un mode de transmission récessif. Les chercheurs ont donc pensé que l’anomalie devait être recherchée au sein d’une région d’homozygotie chromosomique commune au génome de tous ces individus. Les 10 autres patients provenaient tous de la région de Rabat au Maroc, ce qui suggérait la possibilité d’un ancêtre commun porteur de la mutation.

L’équipe a donc analysé leur génome en utilisant la technique des microsatellites afin de définir les régions susceptibles de contenir les gènes d’intérêt potentiellement mutés. Chez tous ces individus, une région d’homozygotie a été retrouvée sur le chromosome 19. Elle abrite un excellent gène candidat : le gène AURKC ou gène encodant l’aurora kinase. Cette protéine est connue pour être exprimée dans les testicules et jouer un rôle important dans la méïose (ainsi que dans la cytokinésie et la mitose). Le séquençage de ce gène a révélé chez les 14 sujets la même mutation, à savoir une délétion homozygote d’un nucléotide dans la région codante du gène. Elle induit la production d’une protéine tronquée et non fonctionnelle, ce qui entraîne la non ségrégation des chromosomes durant la méiose. Cette anomalie fonctionnelle cadre parfaitement avec les anomalies morphologiques décrites . Par ailleurs, l’absence d’autres anomalies est en faveur de l’absence de rôle important joué par ce gène et cette protéine dans les cellules somatiques. De même, certains sujets hétérozygotes pour cette mutation ne présentent pas d’anomalie de forme des spermatozoïdes, ce qui confirme l’hypothèse d’une maladie à transmission autosomique récessive.

L’équipe envisage de conduire une large étude épidémiologique chez les nord-africains aussi bien stériles que fertiles afin d’évaluer la prévalence de cette mutation et son impact sur la fécondité dans les populations concernées.

 

Nature Genetics – 04/2007