La prévention des infections à CMV de la femme enceinte et de sa transmission materno-fœtale suscite encore beaucoup de controverses. La polémique qui s’est récemment développée à l’encontre du dépistage et du suivi sérologique risque d’accentuer le retard pris par la France dans la prise en compte de ce problème. Depuis l’instauration de la vaccination contre la rubéole, l’infection à CMV est devenu la cause la plus fréquente des infections congénitales. Une femme en période d’activité génitale sur 2 seulement est immunisée contre le CMV. Statistiquement 1% des 50% restantes font une primo-infection durant la grossesse avec une probabilité de transmission du virus au fœtus de 30 à 40 %.
On peut donc estimer entre 2000 et 3000 cas les infections congénitales à CMV sur une base de 750 000 grossesses annuelles. Le nombre d’interruptions médicales de grossesses du fait de lésions importantes est d’environ 300 par an (1/10). Ces quelques chiffres permettent de mesurer l’ampleur du problème.
3 types d’arguments sont avancés en faveur du dépistage et du suivi sérologique :
Le premier est le corollaire de l’information sur la prévention des infections, qui repose aujourd’hui sur des mesures d’hygiène. La notion d’une séronégativité en début de grossesse les sensibilise davantage aux conseils de prévention.
Le deuxième concerne l’aide au diagnostic en cas d’atteinte fœtale. La connaissance du statut immunitaire en début de grossesse permettra de mieux préciser la date d’une primo-infection. Une deuxième sérologie devrait être effectuée entre la 20ème et la 24ème SA et la dernière au cours du dernier mois de grossesse. En cas de séroconversion, la cinétique des IgG sur 2 prélèvements espacés, le dosage des IgM et l’avidité des IgG permettent de préciser la date du contage par rapport à l’ancienneté de la grossesse.
Le troisième argument est celui du diagnostic des infections congénitales à la naissance. Le dépistage post-natal ciblé est en effet possible grâce au dépistage sérologique du début de grossesse. La notion d’une séroconversion chez la mère durant la grossesse conduira à rechercher le virus dans les urines du nouveau-né au cours des 15 premiers jours de vie. L’affirmation de ce diagnostic permettra de mettre en route un traitement spécifique ou une surveillance clinique adaptée.
Certains médecins avancent des arguments en opposition avec ce suivi sérologique. Le principal est le risque d’interruption de grossesse injustifiée pour une séroconversion insuffisamment étayée. Cependant, dans les cas difficiles, l’amélioration des moyens diagnostiques (IRM haute résolution pour apprécier d’éventuelles lésions neurologiques) permet de diminuer les doutes quant à la conduite à tenir.
Le deuxième argument avancé est celui du potentiel anxiogène des résultats montrant une séroconversion. Ce problème n’est toutefois pas propre au CMV et il n’a pas été jusqu’alors considéré comme suffisamment important pour limiter la prévention des autres risques encourus (tri-test, autre sérologies d’infections materno-fœtales…).
Enfin le coût de cet examen pourrait être compensé par la diminution des demandes de sérologie rubéole chez les femmes vaccinées.
Compte-tenu de la fréquence et de la gravité potentielle de ces infections congénitales, il paraît difficile de faire l’impasse sur le dépistage sérologique, qui devrait au moins être systématiquement proposé par le médecin au moment où il explique les conseils de prévention. S’il ne le faisait pas, il pourrait s’exposer à d’éventuels problèmes médico-légaux en corollaire aux éventuelles infections congénitales non détectées
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Virologie – 10/2002